Article published in le Point on June 18, 2023, written by Diane Binder*, Eric Kakou, Stéphane Hallaire and Rekia Foudel.
C’est une réunion inédite qui va se tenir dans la capitale française en ce début d’été autour de chefs d’État et de gouvernement, de responsables d’organisations internationales, de représentants de la société civile, de fondations, d’institutions financières et du secteur privé. L’objectif ? Repenser le système financier international pour qu’il soit plus réactif, plus juste, plus solidaire, également changer de paradigme maintenant, pour lutter contre la pauvreté et les inégalités reparties à la hausse, pour proposer un modèle de croissance qui permette d’agir radicalement pour le climat et la protection de la biodiversité. Dans ces discussions internationales, le Sahel est souvent oublié. Cette région est confrontée à de nombreux défis, complexes et multifacettes : extrême pauvreté, sécheresses, guerres, instabilités politiques, terrorisme, migrations. En réalité, ces conflits ne sont pas d’ailleurs : ils sont les nôtres puisque nous en payons le prix, celui de l’inaction et de la volontaire ignorance.
Pourquoi le Sahel ne doit pas être oublié
Pourtant, pour nombre d’entre nous, le Sahel est une terre de ressources, d’opportunités, et de solutions. La Grande Muraille verte en est l’étendard, portant en son sein les germes d’un nouveau mode de développement régénérateur, qui permet tout à la fois de préserver le patrimoine culturel, de restaurer les écosystèmes naturels, de protéger la biodiversité et de contribuer au développement rural. Nulle part ailleurs, un programme de restauration ne s’est doté d’un sommet de chefs d’État et d’un Conseil des ministres qui lui sont propres.
Nulle part ailleurs, un tel programme a fait l’objet d’une coopération entre 11 pays ayant des objectifs communs et ambitieux.
Nous avons fondé l’Alliance du secteur privé pour la Grande Muraille verte il y a quelques mois, lors de la rencontre du Forum économique mondial de Davos. Aux promesses des banques de développement internationales, souvent recyclées d’une conférence à l’autre, nous préférons une alliance d’action et de solutions. Ensemble, nous avons la capacité de contribuer au développement de chaînes de valeur régénératrices : des espèces endémiques au Sahel, comme le moringa, le baobab, la gomme arabique, le karité ou le Balanites aegyptiaca (ou dattier du désert) ont un fort potentiel de restauration des sols et de séquestration carbone, tout en étant très en vogue sur les marchés internationaux de la cosmétique (240 milliards de dollars) ou de la superfood (150 milliards de dollars). Pourtant, les pays du Sahel peinent à atteindre 5 % de parts de marché. Nous mobilisons donc nos expertises complémentaires pour développer des programmes de restauration en lien avec les communautés locales, pour soutenir les entrepreneurs et les PME de la Grande Muraille verte grâce à un mix d’expertise et d’investissements et pour accompagner les acheteurs qui souhaitent investir ou s’approvisionner au Sahel.
Le rôle primordial des financements publics doit être réaffirmé…
Tous les objectifs du Sommet pour un nouveau pacte financier se résument dans notre démarche : nous croyons dans le rôle catalytique des financements publics pour dérisquer et attirer les investissements privés. Nous croyons au capital intelligent, juste combinaison de création de valeurs et de financements adaptés aux besoins du secteur privé et des institutions engagées à relever ce défi. Nous croyons à la collaboration, à l’engagement et à l’impact d’actions collectives, coordonnées, efficacement déployées et rigoureusement mesurées.
Nous appelons les institutions publiques et les gouvernements à utiliser les ressources disponibles et engagées pour la Grande Muraille verte (19 milliards de dollars ont été annoncés depuis le One Planet Summit organisé par le président Macron en 2020 !) dans un cadre concerté avec l’Agence panafricaine pour la Grande Muraille verte et ses déclinaisons nationales, et vers un véhicule financier qui permette d’associer aide publique, philanthropie privée et investissements à impact.
… à côté des initiatives pour attirer les investissements privés
Nous comptons mobiliser 100 millions de dollars dans les cinq prochaines années, afin de lever 1 milliard auprès d’investisseurs privés. Nous pourrons ainsi soutenir 500 entrepreneurs du Sahel qui auront un impact direct sur 250 000 ruraux, principalement des femmes, et restaurer près de 1 million d’hectares de terres dégradées. Le financement du développement ne peut plus être une équation misérabiliste utilisant un vocabulaire du passé, comme « aide » ou « bénéficiaire ». Il s’agit de co-investir au côté des communautés locales, d’orienter les financements publics pour catalyser, inciter, réduire les risques pour les investisseurs privés. Quant à la Grande Muraille verte, pourquoi ne pas la voir comme un formidable vivier d’opportunités créateurs de produits de bien-être et porteur d’innovations environnementales, sociétales et financières qui peuvent inspirer le reste du monde ?
** Diane Binder est présidente-fondatrice de Regenopolis ainsi que directrice de l’Alliance pour la Grande Muraille verte. Éric Kacou est président et cofondateur d’Entrepreneurial Solutions Partners. Stéphane Hallaire est président fondateur de Reforest’Action. Rekia Foudel est directrice générale et fondatrice de Barka Fund.